Les arrêts de travail, un mal français ?

Par Le 2019-09-29

Très régulièrement on évoque dans la presse spécialisée le manque d’attractivité de la France vis-à-vis des entreprises étrangères dans le cadre d’une implantation. Syndicalisme, grève, phénomène des gilets jaunes, fiscalité… sont autant de mauvais points pointés du doigt de l’étranger !
Même si dans la réalité on constate que différents baromètres montrent au contraire que l’attractivité de la France reste plutôt bien orientée en 2018, il est incontestable qu’il y a une relative méfiance dans l’idée de s’implanter dans l’hexagone. En plus des aspects récurrents évoqués ci-dessus on peut ajouter un mal qui parait être un trait caractéristique de la France, les arrêts de travail !

Petit tour d’horizon européen sur ce problème.

Quid de la France ?

Selon une étude récente (mai 2019) il apparaît que le taux global d’absentéisme dans les entreprises françaises a augmenté en 2018 (+3.6 %). Plus grave sans doute, c’est que cette augmentation s’accélère depuis plusieurs années et touche l’ensemble des secteurs d’activité (+16 % depuis 2014).
On avait l’année dernière en France une moyenne de 18.6 jours d’absence par an et par salarié) !

Géographiquement parlant, si la hausse est généralisée, il existe des différences selon les régions de l’hexagone. La Corse a le taux d’absentéisme le plus élevé (6.13 %), mais c’est une des rares régions (avec la Bretagne) qui voit son taux baissé et c’est l’Ile-de-France qui a le meilleur score avec 3.44 %.

Au niveau du profil des individus, on constate que l’absentéisme augmente avec l’âge (2.48% chez les 25 ans et moins, jusqu’à 7.40% chez les 56 ans et plus) et est plus accentué chez les femmes que chez les hommes. Les professions les plus impactées par les absences, sont la santé (6%) suivie par le transport et la logistique (5,8 %) et le commerce et les services (4,2 %).

Enfin, selon une étude de l’institut Sapiens de 2018, l’absentéisme pèse en France pour plus de 108 milliards d’euro !

 

Et en Europe ?

Si les chiffres pour réaliser une comparaison dans ce domaine ne sont pas simple à trouver, à la question de savoir si la France est championne d’Europe des arrêts maladies, on peut répondre par l’affirmatif ! On est en tout cas parmi les pays européens les plus touchés. S’Il n’existe pas d’étude globale sur le phénomène au niveau européen, l’analyse de différents comptes-rendus nationaux (base 2015) laisse apparaître un classement qui serait le suivant : Italie (entre 17 et 19 jours de moyenne), France, Allemagne, Belgique, Espagne, Pays-Bas et loin derrière, ou plus tôt loin devant, suivant comment on se place, le Royaume-Uni (5.3 jours de moyenne).
Une étude de 2016 précisait que le lien entre absentéisme et malaise au travail était un facteur important à prendre en compte avec plus d'une absence sur deux qui est liée à un motif professionnel, et non pas à un problème de santé ou encore l'âge.
Aspect non négligeable quand on sait que seulement 68% des salariés français se disent heureux dans au travail, alors qu’ils sont 82% aux Pays-Bas, 80% au Royaume-Uni et 78% en Allemagne.

Une autre raison semble expliquer les différences entre pays : le système de santé en vigueur.

On peut facilement constater que les pays dans lesquels le taux d’absentéisme est le moins élevé sont ceux dans lesquels le système de santé est le moins favorable aux salariés. C’est notamment le cas au Royaume-Uni où l’indemnisation journalière est nettement plus faible (9 % du salaire) que d’autres pays comme la France.
Dans d’autres pays comme la Suisse, la Belgique, la Norvège, l'Autriche et l'Allemagne, un salarié avec un arrêt décidé par le médecin garde sa rémunération complète au moins un mois.

 

Une fatalité ?

La problématique des arrêts de travail dans l’entreprise est depuis longtemps l’objet d’étude pour trouver la façon réduire le phénomène. Il existe différentes méthodes qui permettent de faire fluctuer à la baisse l’absentéisme au travail.

Les contrôles médicaux : Que ce soit par la Sécu, l’entreprise ou encore les complémentaires, le contrôle médical est un moyen qui a fait ses preuves.
Le problème est que le volume des arrêts de travail est disproportionné par rapport aux possibilités de contrôle de la Sécurité sociale : sur 234 millions de journées d’arrêt moins d’1/4 ont fait l’objet d’un contrôle. Ce problème a eu pour conséquence de voir les entreprises prendre en charge elle-même ces contrôles physiques en faisant appel à des organismes spécialisés dans le domaine, comme par exemple Verilor. Ce dernier prend en charge la procédure qui répond à une législation précise.

Le délai de carence : Imposé par la loi de Finance, ce délai, qui correspond à la période entre le premier jour d’arrêt et le jour à partir duquel le salarié à droit à une indemnité, semble efficace pour limiter le nombre de jours d’arrêt. De 3 jours dans le privé et 1 jour dans la fonction publique en France, le système est utilisé dans quasiment tous les pays d’Europe sauf par exemple en Allemagne, Danemark ou encore les Pays-Bas.

Des entreprises mieux formées sur le problème : Permettre aux entreprises d’avoir accès à une information statistique sur l’absentéisme dans leur secteur d’activité, le profil des absentéistes afin de pouvoir se comparer et prendre des mesures adaptées mais aussi de mettre en place des actions de prévention en collaboration avec la médecine du travail ou la Sécurité sociale.

 

Lutter contre l’augmentation des arrêts de travail reste un objectif prioritaire pour les acteurs économiques d’un pays. En France, le sujet est particulièrement d’actualité notamment à travers le rapport Bérard-Oustric-Seillier de février 2019, qui ouvre le chemin pour de nouvelles mesures qui seront décidées par le gouvernement après concertation avec les partenaires sociaux.