Protection douanière, des pratiques qui évoluent !

morelle Par Le 2022-10-29

Depuis la crise financière de 2007-2009, pour la première fois depuis plusieurs décennies, le taux d’ouverture mondial stagne. Pourtant, les droits de douane n’ont cessé de baisser. Sur les vingt dernières années, ils ont été réduits de moitié pour s’établir en 2019 à 3,9 % en moyenne au niveau mondial. En revanche, sur la même période, les gouvernements ont eu davantage recours à la protection temporaire. Même s’il s’agit d’un outil visant à faire respecter les règles du commerce international, et non d’un outil pour protéger les producteurs de la concurrence internationale, la protection temporaire fait chuter les importations. Pour beaucoup celles en provenance de Chine, puisque c’est l’empire du Milieu qui en est devenu la cible privilégiée. Il reste malgré tout difficile d’y voir la cause du ralentissement du commerce, dans la mesure où la protection temporaire vise moins de 3 % des importations mondiales.

Le Dico du Commerce International vous invite à un tour d'horizon des politiques douanières dans le monde.

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Depuis vingt ans, la protection douanière diminue

En 2001, la moyenne mondiale des droits de douane s’élevait à 7,6 %. En 2019, elle n’est plus que de 3,9 %). Cette baisse de 3,7 points de pourcentage (pp) provient avant 2 tout, pour 44 %, de décisions de pays de baisser unilatéralement leur protection douanière, en diminuant leurs droits NPF (nation la plus favorisée), ceux qui lorsqu’ils sont réduits à l’égard d’un pays s’appliquent à l’ensemble des partenaires à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Adoptées afin de favoriser leur intégration dans les chaînes de valeur globales, ces politiques ont, par exemple, conduit l’Inde et le Mexique à fortement diminuer leur protection douanière : de 15 pp pour la première et de plus de 10 pp pour le second.

Les engagements pris au niveau multilatéral, dans le cadre du GATT, puis de l’OMC, sont la deuxième source de baisse de la protection douanière au niveau mondial, à hauteur de 38 %. Depuis 2001, c’est l’entrée de nouveaux membres à l’OMC qui s’est traduite immédiatement par des baisses importantes de la protection douanière des nouveaux arrivés.

La protection douanière est plus élevée dans l’agriculture et dans les pays les moins avancés

Depuis vingt ans, les droits de douane sont donc à la baisse. Mais, la structure sectorielle, tout comme la hiérarchie du recours à la protection douanière selon le niveau de développement des pays n’ont guère changé.
En 2019, les pays développés appliquent des droits de douane plus faibles (2,5 %) que les pays en développement (PED, 6,2 %), eux-mêmes moins protégés que les pays les moins avancés (PMA, 9 %). L’agriculture (15,9 %) est toujours bien plus protégée que l’industrie (3 %), tandis que le secteur de l’énergie l’est très peu (1,3 %).

S’ils ont baissé, ces droits de douane permanents ne rendent compte que d’une partie des taxes imposées à la frontière. Quand les règles du commerce international ne sont pas respectées, une protection temporaire peut être mise en place pour les rétablir.

La protection temporaire, un outil pour rétablir les règles du commerce international

Alors que les droits de douane constituent un moyen de se protéger de la concurrence étrangère, la protection temporaire vise en effet à corriger les distorsions de la concurrence. Les droits antidumping permettent ainsi de rehausser les prix des produits importés lorsqu’ils sont inférieurs à ceux que l’exportateur fixe sur son propre marché ; les droits compensateurs permettent de corriger le prix des produits importés lorsque des subventions publiques ont été reçues directement ou indirectement par l’entreprise exportatrice ; tandis que les clauses de sauvegarde s’appliquent lorsque la survie d’une industrie domestique est menacée par un afflux massif et inattendu de produits étrangers. Contrairement aux deux premiers instruments, ces clauses ont la particularité de s’appliquer par défaut à l’ensemble des pays exportateurs.

La part du commerce visé par la protection temporaire s’accroît, particulièrement pour les exportations chinoises

Ce qui est surtout marquant dans l’évolution de la protection temporaire, c’est la place que la Chine y a prise. Après son entrée à l’OMC en 2001, elle va en effet en devenir la cible privilégiée : 45 % de la valeur des importations mondiales visées par la protection temporaire en 2019 la concernent, contre 14 % seulement en 2001. Cela représente pour l’économie chinoise, en 2019, 7 % de ses exportations.
Plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Tout d’abord, l’augmentation de la part des exportations chinoises dans le commerce mondial a plus que doublé sur la période : de 5,6 % en 2001 à 14,2 % en 2019 (source : CEPII, BACI). Ensuite, la politique industrielle chinoise est marquée par un soutien de l’État qui peut s’apparenter à des subventions, entrant par conséquent dans le champ de la protection temporaire. Enfin, la section 15 du protocole d’accession de la Chine à l’OMC prévoyait qu’elle ne soit pas considérée comme une économie de marché pendant quinze ans. Un statut qui conduisait à une procédure d’enquête antidumping particulière puisque les prix des produits exportés par les entreprises chinoises n’étaient pas comparés à ceux qu’elles pratiquent chez elles, mais à ceux observés dans un pays jugé analogue. Les conséquences ont été multiples : un plus grand nombre d’enquêtes, une probabilité plus élevée d’être sanctionné et une réduction plus forte des exportations. En décembre 2016, avec la fin du protocole d’accession, la question s’est posée de savoir s’il y avait une obligation légale à accorder le statut d’économie de marché à la Chine. La réponse des États-Unis a été de continuer à considérer que la Chine n’est pas une économie de marché. Celle de l’UE a consisté à modifier en 2018 sa procédure antidumping en ne différenciant plus les pays considérés comme économies de marché de ceux qui ne le sont pas, et en permettant l’utilisation de prix pratiqués dans un pays similaire lorsque la preuve de distorsions significatives sur le marché visé peut être apportée. Des décisions qui laissent ainsi la Chine dans une situation assez similaire à celle qu’elle avait avant la fin du protocole d’accession.

Entre 2001 et 2019, la protection douanière a baissé de moitié, pour beaucoup du fait de décisions unilatérales des pays de réduire leur protection. Du côté de la protection temporaire, en revanche, depuis la fin des années 2000, le recours à ces mesures touche une part de plus en plus importante du commerce mondial et surtout des exportations chinoises. Savoir s’il faut y voir une montée du protectionnisme reste une question débattue.